Raid

En route pour le retour

Prise en sandwich entre une dune et un nuage, la forme caractéristique de la péninsule ibérique se découpe, en jaune sur fond bleu. Au premier plan, près d’un palmier, un bédouin semble implorer un aéronef biplan, flanqué de cocardes tricolores, surgissant du ciel à vive allure. Dans ce décor aux couleurs saturées, la côte méditerranéenne est soulignée d’un ruban rouge vif qui unit Toulouse à Casablanca, passant par Barcelone, Gibraltar, Tánger ou Rabat, autant de lieux aux noms évocateurs.

Je me revois aux premières heures de ma formation de pilote, coi devant cette affiche suspendue dans le club-house d’AéroFormation, rêvant d’aventures et d’immensités désertiques, me promettant de rejoindre par les airs, un jour, cet autre continent. Une décennie plus tard, répondant à l’appel d’un groupe hétéroclite de mammifères migrateurs, c’est en avion de ligne que je franchis (enfin !) les quelques miles nautiques qui séparent mes proches et mon quotidien de cet Ailleurs fait de vent, de pression d’huile et d’Inconnu, pour convoyer sur le retour un HB-PBK bigarré parti bien loin. Ce trajet assisté, frustrant de prime abord, je le découvre suffisamment long pour mesurer le chemin parcouru.

Horaires, hôtesses, contrôles de « sécurité », plateaux « repas », media-centers… Il y a 100 ans bientôt, couvrir cette distance demandait certes plus de temps, mais surtout quelques aptitudes et certaines dispositions ! C’est un brin cynique donc que j’imagine les Pionniers, visages maculés de projections d’huile, interloqués par le spectacle affligeant de ces touristes en gougounes qui, au fil des ans, ont progressivement remplacé les sacs postaux dans les soutes d’aérodynes hypertrophiés. Ont-ils jamais envisagé, dans leur vie qu’on voudrait volontiers dangereuses et solitaires, combien le monde allait changer dans leur traînée ? Qu’il en fallait du courage, de l’audace, de l’insolence même, au sortir d’une Guerre Mondiale pour imaginer et croire que des morceaux de bois entoilés allaient relier les Hommes…

Partir sur leurs traces, même dans le confort de cette cabine pressurisée, c’est honorer tout cela. Je le comprends à présent.

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